La Tortue et les deux Canards


Une tortue était, à la tête légère,
Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays.
Volontiers on fait cas d’une terre étrangère :
Volontiers gens boiteux haïssent le logis.
Deux canards, à qui la commère communiqua ce beau dessein,
Lui dirent qu’ils avaient de quoi la satisfaire.
” Voyez-vous ce large chemin ?
Nous vous voiturerons, par l’air, en Amérique :
Vous verrez mainte république,
Maint royaume, maint peuple ; et vous profiterez
Des différentes moeurs que vous remarquerez
Ulysse en fit autant. ” On ne s’attendait guère
De voir Ulysse en cette affaire.
La tortue écouta la proposition.
Marché fait, les oiseaux forgent une machine
Pour transporter la pèlerine.
Dans la gueule, en travers, on lui passe un bâton.
” Serrez bien, dirent-ils, gardez de lâcher prise. ”
Puis chaque canard prend ce bâton par un bout.
La tortue enlevée, on s’étonne partout
De voir aller en cette guise
L’animal lent et sa maison,
Justement au milieu de l’un et l’autre oison.
” Miracle ! criait-on : venez voir dans les nues
Passer la reine des tortues.
-La reine ! vraiment oui : je la suis en effet,
Ne vous en moquez point. ” Elle eut beaucoup mieux fait
De passer son chemin sans dire autre chose ;
Car, lâchant le bâton en desserrant les dents,
Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants.
Son indiscrétion de sa perte fut cause.
Imprudence, babil, et sotte vanité,
Et vaine curiosité,
Ont ensemble étroit parentage.
Ce sont enfants tous d’un lignage.



Commentaire :

Cette fable parle d'une tortue qui se « lasse de son trou » (qui se lasse de son pays); donc elle parla de son « dessein » (= projet, visée) à ses amis les canards qui lui proposèrent de partir à l'étranger en volant. (Les deux canards tiennent le bâton au deux extrémités que la tortue tien dans sa bouche).
En se vantant d'être la reine des tortues elle lâcha le bâton, tomba et mourut au pied des spectateurs étonnés de la voir voler.
Elle est victime de sa propre vanité.
Dans cette fable la tortue est prétentieuse car elle ne peut s'empêcher de se vanter, ce qui la tue.
En rapprochement avec la fable «Le Corbeau et le Renard» Ou le Corbeau «ouvre un large bec et laisse tomber sa proie» en voulant montrer sa belle voix il laisse tomber son repas. Mais c'est moins grave que la Tortue car il ne meurt pas.
- Tête légère (= vide) = Sans cerveau, contrairement à la fable précédente.
Moeurs = (dico : Ensemble de comportements propres à un groupe humain ou à un individu et considérés dans leurs rapports avec une morale collective; règles de vie, modèles de conduite plus ou moins imposés par une société à ses membres.)
Ce sont les 2 canards qui font la promotion de ce voyage «gratuit» sans lui dire qu'elle risque de mourir si elle ouvre la bouche, c'est donc eux qui jouent le mauvais rôle.

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